Compte-rendu 1 - Notre histoire n°181
Compte-rendu 2 - Grands reportages
Compte-rendu 3 - Bulletin critique du livre en français (BCLF) n°625
Compte-rendu 4 - Archives de sciences sociales des religions
Compte-rendu 5 - Politique africaine
Compte-rendu 6 - Études littéraires africaines
Compte-rendu 7 - Africa Roma
Compte-rendu 8 - Jeune Afrique Economie
Compte-rendu 9 - Revue française d'histoire d'outre-mer
Compte-rendu 10 - Journal of African History
On peut également consulter l'article
de Bernard Salvaing, Un exemple d'autobiographie à deux voix venue
d'Afrique : les mémoires d'Almamy Maliki Yattara, dans Mots Pluriels
n° 23, mars 2003, (11 pages)
-------------- Almamy Maliki Yattara, originaire du village de Tambéni, dans le Guimbala (Boucle du Niger, à l'Est du lac Dédo), a raconté à Bernard Salvaing, maître de conférences à l'Université de Paris-1, son enfance au cÏur du Sahel africain. À l'âge de 7-8 ans, il commença ses études à l'école coran,ique du village, qu'il continua plus tard à tombouctou. Pendant les vacances, entre Tombouctou et Mopti, il découvrit le monde colonial. Mais la grande affaire de sa vie demeura toujours sa formation à l'Islam, tout en restant intégré à la culture du Guimballa. Il a été profondément marqué par la baraka de son maître, Alfa Amadou, qui accomplissait au bénéfice de son entourage de petits miracles pour lui éviter de la fatigue ou des soucis, et dont Almamy a été souvent témoin. Surtout, Alfa Amadou entraînait ses étudiants sur la voie de la mystique islamique, du soufisme. Il passait des jours par semaine seul en brousse, pour prier. Sa bonté semble avoir été exceptionelle, notament à l'endroit des animaux.Sa tolérance à l'endroit des religions dulivre était également impressionnante, liée à sa connaissance de la théologie et au sentiment puissant qu'il avait de l'Unité de Dieu, Jésus étant homme de Dieu, un prophète, avec la même profession de foi que les musulmans.
Paule Brasseur
Grands reportages, octobre 2000 Oralité Africaine-Almamy, une jeunesse sur les rives du fleuve Niger
Almamy Maliki Yattare et Bernard Salvaing. Éditions Grandvaux. 448 pages. 22,71 €.
------------------------- On ne peux qu'aimer la douceur et le vérite sans fard de ce témoignage sur le Guimballa du milieu du siècle, à travers le parcours d'un grand conteur et d'un maître du Coran, à une époque où le Mali s'appelait encore le Soudan français. Les rumeurs de la colonisation n'y parviennent que de loin, comme étouffées par la savane brûlante et les marécages qui l'en protègent. Le grand fleuve est omniprésent, cadre somptueux et immuable semble-t-il. Par petites touches, s'éclairent les rapports au père, à la mère, aux professeurs coraniques, aux camarades de jeu, de chasse ou d'aprentissage : une galerie de personnages attachants qui se dévoilent au rythme tranquille d'une envoûtante chronique de l'intérieur.
Bulletin critique du livre en français (BCLF) n°625 - Octobre 2000 notice numéro 185190 185190 Une jeunesse sur les rives du fleuve Niger/ Almamy Maliki Yattara et Bernard Salvaing ; préf d'Adame Ba Konaré. Brinon sur Sauldre : Grandvaux 2000. - 445p : carte ; 24*56 Notes bibliogr. Lexique. Bibliogr. p.441-445. - 305.8 Ethnologie - ISBN 2-909550-23-0 : 22,71 € Yattara, Almamy Maliki (1922 ? 1998) - Enfance et jeunesse Peuls (peuple d'Afrique) - moeurs et coutumes - 1900-1945- récits personnels Macina- moeurs et coutumes - 1900-1945 - Récits personnels ------------------------------- Cette biographie est le résultat d'une collaboration complice et régulière entre Almamy M Yattara, l'une des grandes figures de la sagesse malienne, récemment décédé, et Bernard Salvaing, historien et chercheur. Dans une veine assez proche de celle d'Amadou Hampâté Bâ écrivant ses mémoires, Almamy fait ressurgir son enfance et sa jeunesse, passées dans la région du Guimballa, à l'ouest de Tombouctou, dans les années 1920 à 1940. Le lecteur est d'abord introduit auprès de son père spirituel, Alfa Amadou, puis dans sa famille, d'origine tamasheq, mais de langue et de culture peules. Viennent ensuite de brillants chapitres sur le temps des jeux et de l'étude. Malgré la pesanteur des obligations familiales, Almamy se révèle vite un élève exceptionnellement doué pour les études coraniques, et le livre se clôt sur les enseignements de son maître Alfa Amadou. Pour Almamy M.Yattara, l'entreprise biographique est en effet une occasion privilégiée de transmettre son savoir et son expérience. Son récit abonde en informations de tous ordres, sur les techniques de pêche, la pharmacopée touareg ou les codes sociaux. Ce souci de précision n'enlève rien au plaisir de la lecture, tant le vieil homme possède d'humour et d'anaecdotes à rapporter. Il faut saluer également le travail remarquable de B. Salvaing, qui a mis en forme un récit composé à l'origine d'entretiens dispersés et de conversations à bâtons rompus. Confronté à cette manière considérable, il a choisi, en accord avec Almamy, de la retravailler pour la rendre transmissible sans pour autant négliger la fluidité et la saveur du récit oral. Un second tome de ces mémoires, plus orienté vers les rencontres intellectuelles d'Almamy M.Yattara, est à venir.
Bâ Amadou Hampâté. Amkoullel, l'enfant peul, Actes Sud, ACTTT, 1991 (BCLF 553, janvier 1992, notice 160171) Tous publics BCLF 625 octobre 2000
YATTARA (Almamy Maliki), SALVAING (Bernard). Almarny. Une jeunesse sur les rives du fleuve Niger. Brinon-sur-Sauldre, Grandvaux, 2000, 447 p. (préface de A. Ba Konaré). ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS (2001)
Le début de cette autobiographie « à deux » nous raconte l'émigration, hors de la ville de Djenné, d'un marabout nommé Alpha Amadou, fuyant l'arrivée des canons coloniaux du commandant Archinard (avril 1893). La fin de l'ouvrage décrit la personnalité et l'enseignement religieux prodigué par le même Alpha Amadou à l'acteur et à l'auteur de cette autobiographie, Almamy Maliki Yattara, né sur les rives inondables du Niger, entre Mopti et Tombouctou, dans les années 1915-1920 et décédé récemment en novembre 1998. Les intérêts de ce récit autobiographique fruit d'un long travail, accompagné par la plume de l'anthropologue Bernard Salvaing , se situent à plusieurs niveaux. Le plus évident concerne le plaisir que l'on retire de la lecture d'une histoire faite d'histoires recelant la saveur et l'accent de l'Afrique de l'Ouest.. Même transcrit et régulé, le récit garde la marque de l'oralité, à travers le vocabulaire franco-africain, à travers les expressions traduites des langues locales, à travers les arrêts et les à-côté du récit et finalement à travers sa tonalité, assez indicible, zigzaguant entre poésie, rudesse de la réalité et sagesse. Qui découvrons-nous ? Parlant de son enfance et de sa jeunesse, AImarri), nous présente une Afrique villageoise de condition modeste, vivant d'une façon « écologique » mais qui, après coup, lui parait relever de « l'âge d'or », notamment à cause de l'abondance de Veau (inondations du fleuve, crues, pluies d'hivernage) qui rendait l'agriculture, l'élevage, la chasse et la pêche florissants, en comparaison de la sécheresse et de ses misères qui ont suivi les années 1970-1980. Sa passion d'enfant et d'adolescent, avant que ne viennent les « études », le pousse manifestement vers la chasse et la pêche dont il ne nous laissera rien ignorer, accumulant histoires, aventures, conflits. joies, dans des pages très belles, montrant ses contacts à la fois directs et immédiats mais aussi mystérieux et pleins d'intermédiaires (~< génies ») avec la « nature ». Un autre volet fortement développé par Almamy concerne ses relations de parenté, compliquées par le nombre, les remariages, les demi-parents. les errances des uns et des autres, leur mort souvent précoce et la dure concurrence pour s'alimenter au quotidien. Les relations avec des groupes parlant d'autres langues, situation commune dans ces régions de la boucle du Niger. apparaissent tantôt fraternelles, tantôt antagoniques. Quoique se disant d'ascendance touarègue du côté maternel, Almamy s'identifie totalement au monde peul et ses conflits personnels d'enfance avec des campements touaregs sont parmi les plus prononcés.
Or ce sont probablement les enjeux liés à son statut social qui vont le précipiter dans une voie qui n'était pas a priori la sienne : les études islamiques. En effet, Almamy, qui vit dans une société où la différence relève moins de l'appartenance ethnique ou linguistique que de la catégorie sociale statutaire, est né d'un père tisserand et aurait dû, suivant la logique sociale, rester enfermé dans les limites de cette profession, considérée comme de statut inférieur. Un de ses frères aînés tentera d'ailleurs de l'y contraindre, avec une rare violence non symbolique. Or, par une sorte d'instinct social qui n'est pas explicité, Almamy risque le tout pour le tout afin de sortir du carcan de sa condition sociale : il va suivre, en cachette du père, certains de ses compagnons d'âge à l'école coranique et déploiera par la suite un acharnement et une volonté tenaces pour suivre cette filière théoriquement réservée aux enfants de l'aristocratie religieuse. S'il arrive, au bout du compte et après maintes tribulations, à suivre un cursus islamo-religieux de très bon niveau, jamais, semble-t-il, le statut « aristocratique » lié à ces études n'a complètement rejailli sur lui. L'intérêt majeur de l'autobiographie, pour nous, réside dans le récit de ce processus psychologique et social qui pousse Almamy à devenir quelqu'un d'autre dans une société fortement attachée aux écarts sociaux héréditaire.%. C'est de cette aspiration à devenir « marabout » et à ne plus être tisserand que naît sans doute l'attirance pour le maître Alpha Amadou, « grand marabout » et modèle éclatant pour le jeune étudiant coranique en rupture de parenté sociale. En découvrant les descriptions de l'énorme centre d'enseignement islamique organisé par Alpha Amadou (dans les années 1930-1940), en suivant le récit de ses actions prodigieuses et merveilleuses, on aura I'impression qu'Almamy sort de sa propre biographie pour s'adonner à l'exercice classique de l'hagiographie d'un maître. Mais ne s'agit-il pas en même temps du rêve de sa propre carrière qui, à cause de ses origines sociales, n'est jamais arrivée à la hauteur de celle de son maître ?
Toutes sortes de réflexions peuvent être induites de la lecture d'une biographie à la fois ordinaire et riche, exceptionnelle certainement si l'on pense qu'elle n'est pas l'Ïuvre, comme il se doit d'habitude, d'un lettré fils de lettré. Dans une postface discrète et sensible (3854 18). B.S. indique au lecteur, les pistes qu'il peut suivre, au niveau des idées et de la bibliographie, pour interpréter une pensée qui a été livrée à elle-même et qui nous est parvenue pratiquement dans cet état.
Constant Hamès.
POLITIQUE AFRICAINE décembre 2000 Almamy Maliki Yattara et Bernard Salvaing, Almamy, unejeunesse sur les rives du fleuve Niger Editions Grandvaux, 18410, Brinon-sur-Sauldre, 2000. Préface de Adame Konaré Ba. Ce premier livre évoque les travaux et les jours des habitants du Guimballa, à l'ouest de Tombouctou, dans les années 1930 et 40 (le narrateur étant né peu après 1920), c'est-à-dire à une époque où les grandes sécheresses n'avaient pas désorganisé la vie pastorale et agricole, et atteint la population dans ses moyens de subsistance. Les pages sur la pêche et la chasse, entre autres, foisonnent de détails d'une grande précision, ce qui n'est pas pour étonner quiconque a eu la chance de rencontrer et d'entendre Almamy. Il y a là de très riches aperçus sur la civilisation matérielle, l'économie, la société, rassemblés pour le plus grand profit des anthropologues et historiens.
En suivant le fil des années de jeunesse d'Almamy, on est surpris de constater que, dans ce Soudan sous domination française, la région du Guimballa semble vivre hors de l'emprise des colonisateurs, dont elle cherche d'ailleurs à se protéger, en recourant parfois, faute d'autres moyens, à la magie : un sort rend l'enfant inapte à suivre l'école française, et il s'ensuivra son long parcours d'une école coranique à l'autre ; un autre sortilège rend un village invisible chaque fois que le « commandant » veut s'y rendre. Ce témoignage, donné de l'intérieur, conduit à apprécier l'impact de la colonisation plus finement région par région, et à éviter des généralisations hâtives.
A maintes reprise les relations entre le monde visible et l'invisible sont décrites avec un grand naturel : les rencontres inopinées avec des animaux fantastiques ou avec des djinns sont décrites sur le même ton que les menus événements de la vie quotidienne. Le lecteur entre dans une représentation du monde qui lui est rarement donnée à voir de cette manière.
La seconde partie du volume fait une large place à l'itinéraire spirituel du narrateur, et particulièrement à son apprentissage auprès d'Alfa Amadou, maître vénéré entre tous, qui lui enseigne un islam humaniste, tolérant envers les autres religions du livre, et rappelle la grande figure d'El Hadj Sakho Boubakar qui a profondément marqué à Abidjan toute une génération de chercheurs. Les lecteurs intéressés par l'histoire de l'islam au Mali, et notamment par la pénétration du soufisme, trouveront largement leur compte dans ces chapitres.
Ce livre, important à plus d'un titre, résulte d'un long travail et d'une longue patience. Bernard Salvaing, historien, s'est mis à l'écoute d'Almamy Maliki Yattara, à plusieurs reprises entre 1984 et 1996, année de leurs derniers entretiens, toujours soigneusement enregistrés. Pour qui l'a pratiqué, le passage de l'oral à l'écrit est une épreuve dévoreuse de temps et qui pose problème à chaque pas. Almamy parlait, comme beaucoup de conteurs, à bâtons rompus, tenant ses auditeurs sous le charme. Bernard Salvaing a mis de l'ordre dans ces enregistrements minutieusement transcrits, dégageant de grands thèmes distribués en chapitres, et le récit parfois en devient didactique. Mais comment faire autrement ?
Grâce à cette organisation du récit, dont Bernard Salvaing rend compte avec précision et lucidité dans la postface du livre, le lecteur à chaque page se situe aisément dans le temps et dans l'espace, aidé par un très remarquable appareil de notes, qui témoigne de la profonde connaissance du milieu et de la société de cet historien.
On attend avec impatience et curiosité le second volume, qui fait contraste et bascule dans un autre monde : celui des Blancs : Almamy après sa rencontre avec Amadou Hampâté Bâ entrera en relations avec des chercheurs étrangers, et voyagera en Europe.
Claude-Hélène Perrot
------------------------------------------------------------------------------------------- ETUDES LITTERAIRES AFRICAINES, N° 10 (2000) YATTARA ALMAMY MALIKI ET SALVAING BERNARD, Almamy,une jeunesse sur les rives du fleuve Niger (préface de Adame Ba Konaré),
Brinon- sur-Sauldre, éd. Grandvaux, 2000, 447 P.En publiant ce livre, Bernard Salvaing a voulu s'acquitter d'un juste devoir, celui de rendre un hommage mérité à un homme peu ordinaire, un homme d'une "personnalité hors du commun" : Almamy Maliki Yattara . "Homme de convergence, on ne sait de quelle formation il est, si ce n'est du vrai traditionniste africain, buvant à toutes les sources de connaissance. Tour à tour conteur, historien, guide, maître coranique, marabout versé dans les savoirs occultistes, Almamy Maliki Yattara est un véritable homme-orchestre." Cet "érudit hors pair" malien a été par ailleurs collaborateur d'Amadou Hampâté Bâ et technicien de recherche à l'Institut des Sciences Humaines de Bamako. Ceci lui a valu d'être au contact de tous ceux qui, en tant que chercheurs, ont été intéressés par l'histoire, la société et les traditions des Peuls du Macina et pour qui il a été "un guide efficace et incontournable". L'on se souvient par exemple des nombreuses missions qu'il a effectuées à Paris, sur l'invitation du CNRS, en collaboration avec Christiane Seydou. C'est que Almamy Yattara a été une source inépuisable de compétences et de connaissances.
Bien qu'il ait été un grand intellectuel islamique, maître en grammaireet en éloquence arabe et peule, Almamy M. Yattara n'a pu publier un seul ouvrage, en tout cas pas en français, puisqu'il n'a appris cette langue que sur le tard. C'est en cela qu'on peut saluer l'initiative de Bernard Salvaing lorsqu'il a entrepris, avec l'accord et la collaboration de Yattara, de recueillir et de publier dans ce premier tome ses récits oraux. Faute de quoi il serait certainement voué à l'anonymat .
Ce qui paraît important dans la présentation de ce livre est ce souci per-manent de clarté qui a prévalu chez Bernard Salvaing. Il a eu la bonneidée de joindre au texte central (constitué des récits de Almamy Yattara) quatre éléments fondamentaux qui lui apportent leur éclairage très important, ce qui permet au lecteur d'avoir une meilleure compréhension du contenu des récits.
Il s'agit dans un premier temps d'une belle préface écrite par Adame Ba Konaré qui présente celui dont les récits seront transcrits en français par Bernard Salvaing : Almamy Maliki Yattara. Konaré y essaie de présenter l'homme (son identité), ses origines Iointaines, c'est-à-dire socio-historiques, sa formation en droit musulman et en ésotérisme et ses relations avec des intellectuels et chercheurs scientifiques. Bref, c'est un véritable portrait qui met au jour tout ce qui fait de l'homme une personnalité hors du commun.
Bernard Salvaing présente ensuite deux planches comportant chacune une carte géographique. La première situe, sur une carte d'Afrique, le Mali à cheval sur la boucle du Niger, par rapport à laquelle est bien délimitée la région de Tambéni traversée par les bras du fleuve Niger et comportant les localités de Tambéni et Korientzé grosso modo à mi-chemin entre Tombouctou au nord et Djenné au sud. La seconde planche est un gros plan sur la région sus-citée avec les villages alentours et le réseau hydrographique. Toutes les cartes portent situés les régions et villages auxquels a fait allusion Almamy Yattara dans ses récits.
Le troisième élément porte sur les motivations qui ont présidé à la naissance du livre et l'intérêt des récits. On peut y lire entre autres motifs pourquoi le texte est écrit à la première personne du singulier alors qu'apparemment le livre est écrit en duo ; comment jour après jour le rêve d'écrire ce livre est devenu réalité.
Enfin, le quatrième et dernier élément que constitue le "lexique" vient en complément de tout ce qui précède, particulièrement de l'importante quantité de notes rejetées en fin de récits. En dehors des mots qui ont fait l'objet de ces notes, le lexique reprend ceux qui paraissent encore difficiles à comprendre et qui sont d'origine arabe ou peule (al-asrâr, alansara ... ), portugaise (seccos ...) ou africaine tout court (calebasse, canari, daba ...)
Le texte est une autobiographie détaillée constituée d'épisodes au cours desquels Almamy Yattara raconte ses souvenirs de jeunesse passée entre Tambéni et Sorobougou. Mais c'est surtout Tambéni qui va retenir l'attention du lecteur car il aura beaucoup insisté sur ce village où son maître Alfa Amadou a élu résidence et où il passait son temps à écouter les leçons de ce dernier. Ce maître, il faut le mentionner, l'a profondément marqué de son influence. C'est de lui qu'il a en effet reçu sa solide formation en droit musulman et en ésotérisme. Bernard Salvaing a mis tout son art et sa logique au service de l'intelligence du récit pour organiser les différents événements et aventures qui ont jalonné l'existence d'Almamy Yattara.Cette attitude a finalement servi à créer au niveau même du récit une cohérence, surtout au regard de la chronologie de certains faits. Ainsi, le texte comporte quatre parties subdivisées en seize chapitres.
La première partie intitulée "Prologue" n'en compte qu'un seul "où l'on voit comment Alfa 'Amadou, mon maître, a quitté Djenné en 1890, fuyant la conquête française, pour venir s'installer à Tambéni, mon village natal, chez mon grand-père."
La seconde comporte cinq chapitres, est marquée par deux temps forts: l'enfance de Almamy Yattara et le début de ses études coraniques et un événement malheureux : la mort de son père. Elle est intitulée "Mon père ou une enfance au Guimballa".
La troisième, "A Gonda avec ma mère : les années d'apprentissage" compte sept chapitres et traite de l'installation à Gonda, des années d'apprentissage, de quelques anecdotes et de la mort de sa mère.
Enfin, la dernière partie qui ne comporte que trois chapitres est consacrée au "maître Alfa Amadou Guidado de Também", ses miracles et enseignements.
Comme on a pu le constater, le maître Alfa Amadou se trouve, semblet-il, au centre de la vie de Almamy Yattara, au point que tout au long du récit, il ne cesse de l'évoquer. La structure du texte montre qu'il est Falpha et l'oméga. Ainsi qu'un rideau de théâtre, le texte s'ouvre sur lui et c'est encore sur lui qu'il se referme. On peut même dire qu'Alfa Amadou de Tambéni est à Almarny Yattara, à quelques différences près, ce que Thierno Bokar, le sage de Bandiagara, fut pour Amadou Hampâté Bâ.
Mais au-delà de ce récit qui, sur le plan de l'écriture, ne manque pas d'intérêt, il faut surtout retenir que ce texte, véritable document sur la littérature orale africaine, accorde une grande place à la vie des habitants de la vallée du Niger pendant l'époque coloniale (même si à Tambéni la population est demeurée pendant longtemps hors des influences). Une vie faite de diversité d'ethnies, donc de langues, de cultures (Peul, Bambara, Bozo, Marka) et d'activités (éleveurs, cultivateurs, pêcheurs, commerçants ... ). C'est en effet dans cette région que l'on découvre les plus grandes cités commerçantes et islamiques comme Djenné, Tombouctou, Dia, qui d'ailleurs font partie du puissant empire peul du Macina fondé en 1818 par Amadou Lobbo Bari et conquis par El Hadj Omar Tall en 1862 ; lequel a défait Amadou Amadou, le petit-fils du fondateur de l'empire.
Par ailleurs, la lecture de ce document pose l'éternel problème du changement de code, c'est-à-dire celui du passage du code oral au code écrit, symbolisé ici par Almamy Yattara et Bernard Salvaing. Il aurait fallu effectivement, ainsi que l'a fait remarquer Salvaing lui-même , avoir le texte original du récit de Yattara en peul pour mieux apprécier toutes les richesses de la langue, et d'un autre côté le travail, ô combien difficile ! de traducteur. Le texte du maître d'éloquence en arabe et peul aurait vivement intéressé linguistes et sociolinguistes ; mais encore faudrait-il avoir une connaissance du peul.
Il aurait été enfin intéressant si, dans certaines conditions, une étude scientifique devait porter sur cet ouvrage, d'étudier par exemple le déplacement topologique du personnage central en rapport avec la structure temporelle du récit.
Cyriaque DOSSOU
-------------------------------------------------------------------------------------------------- AFRICA - Roma Rivista trimestrale di studie documentazione dell'Istituto italiano per l'Africa e l'Oriente Anno LV - N.4 Dicembre 2000. Pages 610-613 ALMAMY MALIKI YATTARA, BERNARD SALVAING Almamy, Une jeunesse sur les rives du fleuve Niger Brinon-sur-Sauldre, Ed. Grandvaux, 2000, pp. 445. Almamy Maliki Yattara, luminosa figura di pedagogo coranico, nel corso della sua lunga vita ha collaborato in qualità di storico con il più noto Amadou Hampaté Ba e ha svolto un ruolo per nulla trascurabile all'Institut des Sciences Humaines di Bamako dove si è dedicato alla raccolta delle tradizioni orali dell'ansa delNiger come alla catalogazione dei manoscritti in lingua araba. De iure, Almamy Yattara, la cui suggestiva biografia è stata pazientemente e tenacemente raccolta da Bernard Salvaing, puo essere definito una pietra miliare in quel difficile cammino teso verso un dialogo interculturale tra Africa ed Europa, un dialogo, questo, sempre più ineludibile e, alle, stesso tempo, sempre più criptico e sfuggente. Pedagogo in itinere da Djenné a Dia, da Hamdallahi a Tombouctou, da Mopti a Bandiagara, poliglotta a suo agio fra il francese e l'arabo come tra il fulfulde e il songhay, Almamy, lontano discendente da una casta di fabbri tamasheq, i garagué-sadjé, è stato, di volta in volta, la guida preziosa di storici e antropologi famosi come David Robinson, Christiane Seydou e Io stesso Louis Brenner. «Ma quante altre guide insostituibili, quanti altri ineguagliabili mediatori culturali sono scomparsi nell'oblio, che tutto inghiotte ?» si interroga con amarezza Adame Ba Konaré nella sua prefazione all'opera. AI co-autore Bernard Salvaing va il merito di essere riuscito nel suo intento. Questa biografia a due mani, appassionata e appassionante, ricostruisce in una trama fitta a nido d'ape la storia e la vita quotidiana di una regione maliana, il Guimballa, la zona interlacustre del delta del Maasina, a ovest di Tombouctou. Proprio a tutta l'area del delta negli anni '60 Jean Gallais aveva dedicato un'attenta monografia: Le Delta intérieur du Ntger. Etude de géographie regionale. Regione popolosa, in cui numerosi gruppi etnici coabitano armoniosamente, dai Songhay ai Peul,dai Bamana ai Bozo, dai Dogon ai Tuareg, il Guimballa è teatro di una storia antica e convulsa fin dai tempi dell'impero songhay di Gao nel XV secolo. Ma il Guimballa, regione a forte presenza tuareg, si è rivelato, soprattutto nel corso del XIX secolo, una delle province più turbolente della teocrazia maasinanke del Diina insieme allo stesso Maasina, allo Jenneri, al Kunaari, al Fakala e al Jelgooji. Detto anche Nabbé è Dundé come anche l'erg di Niafunké, il Guimballa comprendeva le regioni del Fittuga, del Farimaké e del Kattawal hausa. Siamo nel cuore del palcoscenico delle epopee peul, eroi come Silaamaka Yero, Bongwel Samba di Gayoungu o il più noto Ham Bo'deejo, detto Ham il Rosso, del potente regno del Kunaari sono la linfa cui attinge una ricca e feconda tradizione orale.
ln particolare, poi, il framework storico e ideologico in cui s'incastona la vita esemplare di Almamy Yattara è costituito, a mio parere, dal Laamu Diina , Io Stato della Diina, cioè il Maasina dalla denominazione della sua principale provincia. La Diina, Stato teocratico musulmano, mirabilmente descritto da Bintou Sanankoua, nascerà nel 1818 sotto l'impulso di Seeku Aamadou, sarà poi guidata dal figlic, e successore Aamadou Seeku, infine, dal nipote e ultimo imam Aamadou Aamadou e sarà distrutta nel corso di una sanguinosa guerra fratricida nel 1862 dalle truppe futanke del celebre AI-Hajj Umar Tal. La Diina, la cui genesi è senz'altro da riconnettere al fiorire degli stati teocratici peul dal Fouta Djalon in Guinea con il bicameralismo degli Alfaya e Soriya, al Fouta Toro nel Senegal settentrionale con l'almamyato di Abd al-Qadir e di Sulayman Bal, fino al califfato di Sokoto nell'Hausaland dell'inizio del XIX secolo ad opera di Uthman ibn Fudi, rompe con le tradizioni politiche dell'ansa del Niger. L'applicazione del dettato sciaraitico vi sarà rigorosa, la militarizzazione dell'apparato statuale sarà esemplare cos! come la sedentarizzazione forzosa della frazione peul nomade. La distruzione della Diina verrà a coincidere drammaticamente con la fine dell'indipendenza dell'intera regione e segnerà l'inizio di un lungo periodo di violenze e di destrutturazioni. Viaggiatori celebri hanno documentato il suo apogeo, noto come il nyalaande Seeku Aamadou, da René Caillé, il primo europeo a penetrare travestito da musulmano nei suoi territori, a Heinrich Barth che nel settembre del 1853 si trovava a Tombouctou, fino a Eugène Mage, l'autore del famoso Voyage au Soudan Occidental che viaggià in territorio futanke fra il 1864 e il 1866. Due le istituzioni politiche che hanno dato fama imperitura alla Düna: l'Imam supremo che concentrava il potere esecutivo, legislativo e financo parte del potere giudiziario e che doveva obbligatoriamente risiedere nella capitale Hamdallahi e il batu-Maw'do l'organo direttivo con 100 membri, tutti nominati personalmente dal grande Imam, di cui 40 titolari e 60 supplenti. Le sedute del parlamento maasinanke erano quotidiane, tutti i gruppi etnici avevano diritto ad essere rappresentati nella grande sala dalle serre porte detta Jee'ddiwal. Un motto peul: 'be kulata, 'he kersata, 'be penata, essi non hanno mai paura, non fanno nulla che possa procurare vergogna, non conoscono la menzogna, ci sembra essere la migliore introduzione alla lettura di questa biografia a dir poco avvincente, che si legge tutta di un fiato e che ci rimanda a due altre biografie famose nella letteratura antropologica dell'Africa Occidentale, quella lontana nel tempo del 1954 di Mary F. Smith: Baba of Karo. A woman of the Muslim Hausa e quella più recente del 1987 di Henri Bocquené: Moi un Mbororo. Autobiographie de Oumarou Ndoudi, peul nomade du Cameroun.
Dal villaggio natio di Tambéni, isolato nella misura in cui fino alla morte di Alfa Amadou non si era mai visto un solo bianco, Tambéni il villaggio invisibile, misterioso, in cui malgrado innumerevoli tentativi il Comandante Dongé non riesce mai ad arrivare, Almamy Yattara trascorrerà la sua infanzia nel villaggio materno di Sorobougou. In pagine fittissime si affastellano i ricordi uniti a una messe a dir poco strabiliante di annotazioni etnografiche, dalla legislazione consuetudinaria fondiaria alla figura del primo indimenticabile maestro Alfa Sambajo, detto Abbassa, dai mille usi della palma dum compreso il potassio prezioso per la tintura dell'in daco alle virtù terapeutiche del miele, sapientemente utilizzato nella farmacopea locale. Sono pagine indimenticabili: dalle trappole per gli ingordi facoceri alla presenza costante di innumerevoli serpenti velenosi fino alle invasioni periodiche delle cavallette devastatrici, le ternibili locuste che lasciano dietro di sé solo terra bruciata e giungono a divorare persino le calebasse, si snoda il ritratto emico di un'infanzia tutta africana, lontana e indifferente di fronte all'inesorabile avanzata dei bianchi, quei bianchi, quei Nasara che con queste parole esorcizza l'anziano maestro di Alfa Amadou nelle prime pagine del libro: «Non arriveranno fino a te, tu non arriverai fino a loro, forse sentiranno pronunciare il tuo nome ma voi non vistringerete mai la mano». Un'infanzia serena e giocosa, intessuta dei sapori, degli odori, dei profumi della civiltà sudanese dell'ansa del fiume Niger, pensiamo alla preparazione laboriosa del burro il sirme, al gusto dolciastro del bacce, il frutto simile al pistacchio. Dal gioco dell'altalena, il dimmborgol al sindeere, il gioco delle marionette, dal taratarangal, Io scivolo al nascondino, il cudorgel, mille sono i giochi che ci rivela Almamy Yattara sollevando cosi un velo su un sapere endogeno da sempre ignorato e misconosciuto. Ma è anche il dolore a segnare l'infanzia del futuro pedagogo, una dopo l'altra scompaiono le due figure più care al fanciullo, il padre e poco dopo l'adorato maestro a cui Io stesso padre Io aveva affidato con queste parole: «Che passi la notte qui, che passi la giornata qui. Se vive, vive per voi, se muore, muore per voi.» Queste parole semplici e lapidarie allo stesso tempo ci rivelano in tutta la sua drammaticità il nocciolo dure, di una pedagogia coranica tradizionale che esalta l'abbandono assoluto del discepolo alla volontà del marabutto, la sua guida spirituale. Ricordiamo a questo proposito il celebre detto del mistico al-Tustari: «Il discepolo di fronte al suo maestro deve essere come un cadavere nelle mani del lavatore dei morti» e la magistrale figura del pedagogo coranico delineata tanto incisivamente da Hamidou Kane nel famoso romanzo L'Ambigua avventura.
Almamy aveva appena terminato la sua prima fase di studi coranici, l'apprendimento dei 60 hizbu dalla prima sura fino alla sura al-Baqara, quando dopo la grande cerimonia che sancisce il suo nuovo status, Alfa Sidiqi si ammala e di li a poco muore. Seguirà un periodo lungo di vicissitudini amare, le vessazioni di Boura Hama Ali e le angherie del fratello maggiore Yero si susseguono in un contesto socio-economico irreversibilmente segnato da una grave carestia che tocca il suo apice nel biennio 1942-43. A Tombouctou, Almamy conoscerà i morsi della fame e qualche lieve pennellata ci introduce nell'universo dei torodbe, i figli della calebasse, gli allievi coranici dediti alla questua e alla mendicità. Ma il fanciullo che dormiva nella città santa dell'Islam rannicchiato e avvolto nel liso tappeto della preghiera del suo maestro non ha paura di nulla, come recita il motto peul citato nelle prime righe e, di avventura in avventura in un mondo popolato da varani sacri, da coccodrilli e da ippopotami, prosegue il suo cammino verso la verità, la saggezza e la tolleranza. Infatti in qualità di maestro coranico, dall'età di 25 anni in poi insegnerà, di volta in volta, nei centri di Kona, Ténenkou e infine di Mopti. Altre figure si stagliano nitide, la figura della madre che Almamy venera sulla falsariga della più autentica tradizione peul, la figura di un altro pedagogo Alfa Amadou di Tambéni, maestro di sufismo e shaykh intriso di virtù taumaturgico-miracolistiche.
Ma altro non dobbiamo né possiamo dire per non togliere al lettore il piacete di una lettura che è incanto, che è affabulazione ma che è soprattutto una lezione di antropologia sulle culture peul, tuareg, songhay e marka dell'ansa del Niger; dalle abitudini alimentari alle tecniche agricole, dalle credenze magico-religiose ai riti della circoncisione, tutta l'organizzazione sociale si disvela corne in un affresco in queste lunghe e minuziose interviste registrate, e Io ripeto con convinzione, con una tenacia e una sagacia senza pari tra il 1984 e il 1996 da Bemard Salvaing.
ADRIANA PIGA
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Almamy, le transmetteur.
Mémoire vivante des traditions de la boucle du Niger, Almamy Maliki Yattara fut un trait d'union avec le monde moderne.
par Gérard Galtier
Une source de l'histoire africaine s'est tarie en 1998. Almamy Maliki Yattara était né dans le Guimballa, région isolée du Macina, entre Mopti et Tombouctou, en 1922, durant la grande époque du Soudan français (actuel Mali). Mais il échappa à l'école coloniale et réussit à passer le début de sa vie à l'écart de toute influence européeenne. En fait, il vivait encore dans le souvenir de la "Dîna", l'empire théocratique peul qui gouverna le Macina au XIXe siècle.
A travers le circuit des écoles coraniques, et en se faisant le disciple d'une succession de maîtres soufis, Almamy reçut une formation en langue arabe et en "sciences islamiques". Puis, brusquement, grâce à l'appui d'Amadou Hampâté Bâ, il entra à l'Institut des Sciences humaines du Mali où il se mit à collaborer avec de nombreux chercheurs occidentaux (tels que Christiane Seydou et Louis Brenner), dont il devint le guide et l'informateur et qui lui doivent une grande partie de leurs découvertes. Almamy était un prodigieux conteur et une mémoire vivante des traditions dela boucle du Niger,. En plus de sa connaissace parfaite de l'arabe littéraire et de sa langue maternelle le peul, il parlait songhaï et bambara, il comprenait le tamachek et il apprit le français sur le tard.
Fasciné par ce personnage, Bernard Salvaing, historien africaniste, maître de conférences à l'université de Paris 1, a recueilli la saga de ce voyageur entre deux mondes, dernier témoin d'un passé disparu. De ces entretiens est issu l'ouvrage Almamy. Une jeunesse sur les rives du fleuve Niger.Cette biographie forgée à partir de souvenirs personnels, est pleine d'épisodes fantastiques et nous fait saisir comment, dans les pays de tradition orale, la chronique historique se métamorphose rapidement en légende. Almamy fut pêcheur, chasseur, cultivateur, commerçant. On voit cet homme, assoiffé de connaissances, voulant étudier le Coran chez le marabout du village, alors que son grand frère Yéro le malmène durement pour l'obliger à apprendre le métier de tisserand. Ce livre contient aussi des informations historiques et sociologiques de première main, qui permettent notamment de comprendre comment - grâce à l'islam- les Peuls avaient naguère réussi à étendre leur domination sur toutes les ethnies du Macina.
Almamy Maliki Yattara, Bernard Salvaing,
Almamy. Une jeunesse sur les rives du fleuve Niger,
Editions. Grandvaux, (18410 Brinon-sur-Sauldre, France) 448 p, 22,71 €.
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revue française d'histoire d'outre-mer, deuxième semestre 2001
n°330-331 pages 362 à 366 ALMAMY MALIKI YATTARA - BERNARD SALVAING. Almamy, une jeunesse sur les rives du fleuve Niger. Brinon sur Sauldre, éd. Grandvaux, 2000, 446 p. ( 24 cm sur 16cm sur 3,2cm) La collaboration intime et prolongée d'Almamy Maliki Yattara et de Bernard Salvaing nous livre un ouvrage étonnant : un récit de vie très personnel qui est en même temps la meilleure des introductions à l'histoire du Sahel au XXe siècle. La richesse inépuisable du témoignage africain est mise en valeur par une rigueur dans la composition toute cartésienne. Ce livre conserve la verve des grands conteurs africains et restitue avec la patience de l'érudit, au delà des contingences, une histoire contemporaine replacée sous l'éclairage de la longue durée.
Si les points de rencontre avec Amadou Hampâté Bâ sont nombreux, il n'en reste pas moins que l'itinéraire des deux grands lettrés musulmans diffère profondément, A M Yattara, contrairement à son homologue, s'étant toujours éloigné des pouvoirs successifs pour évoluer comme un poisson dans l'eau dans la mosaïque des populations de la vallée du Niger. Le livre, donc, peut se lire d'abord comme un roman picaresque, celui d'un self made man. A M Yattara, né vers 1920, est d'abord un homme d'action qui tout jeune sait ce qu'il veut et surtout ce qu'il ne veut pas. Et pour cela, il a toujours le talent, l'énergie et la Baraka qui lui permettent de se sortir des mauvais pas et de parvenir à ses fins. Ce qui l'anime, c'est une curiosité sans bornes pour le monde qui l'entoure, visible et invisible.
Il fait pour cela le choix de la mobilité, aidé par le réseau d'une immense parenté, qui nous renvoie à une société étonnamment prolifique, mais sans explosion démographique : car la mort pullule comme la vie et reste toujours présente. Notre héros exercera donc tous les métiers : cultivateur, berger, tisserand (métier que son père et un demi-frère tyrannique auraient bien voulu lui imposer), commerçant, aussi bien dans les circuits africains de l'or et de la kola que dans ceux de la traite coloniale (comme vendeur de tissu, employé d'une libanaise). mais il ne renonce jamais à ses passions de base qui sont la pêche et surtout la chasse, qui reviennent constamment dans le récit, avec des exagérations à faire pâlir Tartarin soi-même. Mais ce sont là bien autre chose, selon nous, que des tartarinades. Et en tous cas, on a un homme qui n'a peur de rien, pas plus du varan sacré des Bambara que des Blancs ou des Touareg, et, pour finir, des préjugés quels qu'ils soient.
Tout cela nous vaut une évocation pleine de saveur de la terre et des hommes de la vallée du Niger, qui ne s'accorde guère avec la manie classificatoire de l'ère coloniale. En fait, on a une société mobile et ouverte où "tout le monde voyage". Le Yattara ne sont-ils pas des Tamaschek devenus Peul ? Et les mêmes hommes peuvent être pêcheurs, cultivateurs, forgerons.
C'est aussi le tableau d'une Afrique heureuse qui émerge de ces pages. Il y a de la place pour tous, l'accès à la terre est facile dans un système complexe associant polyculture, élevage et un artisanat diversifié. A maintes reprises, A M Yattara revient sur l'âge d'or de sa jeunesse, époque d'une "vie encore facile". Tambéni, son village d'origine, jadis "regorgeait d'animaux"..."débordait de bonheur et de prospérité".
Le lecteur se gardera évidemment de généraliser à l'ensemble du Sahel. Le Guimballa fertile et arrosé, avec son rapport population/ ressources très favorable, était plus l'exception que la règle. A M Yattara, au surplus, ne nous brosse nullement le tableau d'une nature uniformément paradisiaque. Elle donne et reprend, l'homme vit dans un monde hostile, les récoltes sont toujours menacées par la faune sauvage, les phacochères, singes, canards ou sauterelles, et la vie humaine est toujours en danger dans "une très méchante brousse" face aux serpents, crocodiles, hyènes, lions, et même hippopotames vindicatifs. Almamy, venu en France, sera intrigué par l'absence de fauves et la sérénité du pays.
Et puis surtout, il y revient sans cesse, la désertification avance, "il n'y a plus d'eau, tous les fleuves sont taris, c'est le signe de la fin du monde". Il se souvient très bien de la famine de 1942-43, mais les choses se sont brutalement aggravées depuis 1972.
Connaître cet arrière-plan est nécessaire si l'on veut comprendre la place et le rôle de l'Islam dans le Sahel. Hampâté Bâ avait évoqué un Islam des grands lignages aristocratiques Peul et Toucouleur, retranchés dans l'étude comme une forteresse, tout en y trouvant les bases intellectuelles d'une collaboration avec le pouvoir colonial. A M Yattara, lui, voit les choses d'en bas et avec lui, la religion assume des fonctions multiples au niveau du quotidien. C'est l'Islam qui lui permet d'assumer son choix de la mobilité et le rend même nécessaire. Après avoir décidé seul d'aller à l'école coranique, il connaît la condition misérable des bandes d'étudiants mendiants à Tombouctou, les Garibou et par la suite, sera talibe travaillant la terre pour son maître en attendant de mener ensemble études coraniques et métier de commerçant grâce à un réseau musulman, avant de se lier au maître Alfa Amadou Guidado à Tambéni - qui d'ailleurs l'envoie faire un stage à Kona chez un autre maître spécialiste de littérature arabe. A travers ses incessantes pérégrinations, A M Yattara laisse l'image d'un lettré qui s'est fait lui-même, à travers ses expériences et son vécu africain. Le plus remarquable, selon nous , est la façon dont il intègre l'Islam dans une vision du monde qui est celle d'un "rêveur éveillé", suivant l'ecpression de J. Le Goff qualifiant les gens du moyen-âge. Il croit réellement voir des gens apparaître et disparaître en changeant de nature ou des animaux prendre la forme humaine. Son univers est peuplé de diables, de satans (saytan) et de génies (Djinn) : une véritable osmose se réalise ainsi entre animisme et merveilleux populaire musulman.
Et pourtant son ouverture au monde fait qu'il reste toujours positif et réaliste, et jamais prisonnier de la superstition : il sait bien qu'une bonne adduction d'eau au robinet est plus sûre, contre les malfaisants Mama Kyria qui l'infectent, que toutes les invocations. Tout comme un bon chasseur se révèle plus efficace contre un crocodile mangeur d'hommes, que les prières des marabouts. Finalement, l'homme d'action et le voyageur infatigable, en s'affranchissant de tous les préjugés, en vient à se rapprocher de l'esprit du Soufisme de son maître Alfa Amadou. L'ancien chasseur cruel avec les chiens finit par confesser son sentiment de pitié our les animaux et son dégoût de l'égorgement . Le contempteur du paganisme des Bambara en vient à prêcher la tolérance à l'égerd des chrétiens, et à avouer "qu'un musulman ne doit pas se juger supérieur à cause de sa religion". Ce qui n'empêche pas l'ancien artisan-paysan, arrivé au terme de son itinéraire, de se laisser aller à des réflexes d'aristocrate de l'esprit. Les confréries musulmanes, que le lettré doit éviter, sont cependant "utiles pour les hommes qui ne sont pas instruits". Et la colonisation dans tout cela ? Elle tient une place étonnamment faible, contrairement à ce qui se passe chez Hampâté Bâ. A M Yattara montre comment l'Islam a permis à la société africaine de supporter le régiem colonial dans les moins mauvaises conditions. Les maîtres coraniques n'avaient-ils pas atténué le choc en annonçant la vener des Nasar (les chrétiens) et indiqué , dans le cadre d'une vision providentialiste de l'histoire, les règles de la conduite à tenir ? Ces maîtres, ensuite, révèlent le voeu le plus cher de tout colonisé : se rendre invisible au nouveau pouvoir. Il faut lire les pages sur l'errance du malheureux commandant de cercle parti à la recherche d'Alfa Amadou et de son village évanouis ! L'administration coloniale, donc, fonctione bien, comme les historiens ont fini par le voir, sur le mode de la fiction : le recensement de la population ves 1930 reste encore plus qu'approximatif. Etat-civil et papiers d'identité sont délivrés de façon fantaisiste par de subalternes africains. Le sage musulman, lui, dédaigne les distinctions oficielles, laisse sa médaille, "chiffon qu'on donne aux militaires", à son captif, et enseigne à ses disciples qu'être chef est une chose dérisoire. Mais l'on comprend aussi comment les Français se sont retrouvés avec tant de "chefs de paille" sur le terrain. Les subalternes n'apparaissent guère à leur avantage. L'un d'eux, "un chef de canton très connu par sa dureté extrême" est d'ailleurs appelé roi. Le vécu africain, à travers des témoignages peu nombreux au total, a quelque chose d'effrayant ; le recrutement militaire est vécu comme une catastrophe, les appelés sont considérés comme déjà morts et on présente des condoléances à leur famille. Le travail forcé pour les chantiers de l'Office du Niger n'a pas meilleure réputation : à l'époque "on ne distinguait pas la guerre des travaux forcés",. la cruauté des surveillants gardes-cercles est restée légendaire; les plus terribles de tous sont ... les instituteurs qui en arrivent à battre à mort leurs élèves. Mais Almamy cite peut-être un cas extrême qui vient renforcer la répulsion des musulmans pour l'école des infidèles, et il précise que "les Blancs n'ont jamis directement participé directement à cela". Au surplus, lui-même a échappé aussi bien à cette école (qui ,rappelons-le, au Sahel, n'accueillait avant 1940 que moins de 1% des enfants) qu'au recrutement militaire et aux différentes formes de travail forcé, et il n'a pas été le témoin direct de ce qu'il rapporte. Mais son récit confirme, globalement, ce que Labouret disait déjà , vers 1930, du système colonial : un paternalisme lointain, une sous-administration ordinaitre, un pouvoir local abandonné aux subalternes, et des pointes localisées et circonstancielles d'abus tels que le discours du colonisateur s'en trouvait disqualifié. L'impuissance fondamentale que le pouvoir a cherché à dissimuler se reflète également dans le caractère partiel et tardif des transformations économiques. Un artisanat local vigoureux, sur lequel Almamy revient souvent (car ce sont ses origines) fournit l'essentiel des article utilisés au quotidien, qui font l'objet d'échanges actifs fondés sur le troc.
Le caractère de placage arficiel de la colonisation sur la vie réelle de la société africaine, qu'avait déjà si bien perçu Robert Delavignette, explique probablement pourquoi, pour Almamy Maliki Yattara, la véritable rupture se situe après l'indépendance. Tout a changé "quand la politique est arrivée" . De ce qui était resté une fiction sous le régime coloinal, malgré le décret domanial de 1904, le socialisme malien fait une réalité. "Désormais la terre et la brousse appartiennent au gouvernement". La population s'incline, mais pour Almamy "c'est Dieu qui a rendu la chose très dure" en envoyant la sécheresse pour châtier le nouveau pouvoir, lequel aggranve son cas en ordonnant la réquisition de tous les fusils. Mais une fois de plus, Almamy échappe aux maîtres du moment.
S'il faut présentement lire un livre sur l'Afrique, c'est bien "Almamy"
Jean Frémigacci
Centre de Recherches Africaines
UFR Paris I
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JOURNAL OF AFRICAN HISTORY
pages 522-524
AN ISLAMIC TEACHER IN TWENTIETH-CENTURY MALI
Almamy : une jeunesse sur les rives du fleuve Niger
By ALMAMY MALIKI YATTARA and BERNARD SALVAING
Brinon sur Sauldre : Editions Grandvaux, 2000. Pp. 448. Euros 22, 7I
(ISBN 2-909550-23-0)
KEY WORDS: Mali, Islam, social, political, colonial, post-colonial.
I first met Almamy Maliki Yattara in 1977 in Mali when 1 was embarking on the research that would result in my book, West African Sufi. Like so many coI1eagues who have worked on the history and culture of this region, I found his asaistance. and support invaluable. And, again like so many others who worked with him, a friendship developed between us that was sustained during the ensuing twenty years until his death. 1 am very aware of how much I owe my own understanding of Islamic religious culture in Mali to Almamy's openness and willingness to share his knowledge and experience with me. And I could not help but feel touched, even a bit chastised, by the words of Adame Ba Konaré, in her Preface describes this book as a homage to a man who has 'provided material publication of so many books, but who has nowhere been named as the au a book' (p. 9).
That Almamy's published authorship bas now come to pass we owe to the labours of Bernard Salvaing, who describes in his Postface how this project of autobiography was conceived and executed. Salvaing also paints an evocative portrait of Almamy that rings true for me in every detail ; here, the reader can meet the author as he was in his later life and gain some appreciation of what Salvaing describes as his human warmth and the strength of his personality. I would strongly advise readers to begin the book by reading the Postface, which serves as a useful introduction to Almamy's own storv of his youth as told in his own words.
I shall offer no apology for the hagiographic overtones of the preceding two paragraphs of this review. But 1 will now try to balance them by saying that Almarny was a complex man who held strong views about many things and, although he was exceedingly polite in most social circumstances, he was not given to 'political correctness'. This aspect of his personality may not be so evident to readers of this first volume of his autobiography, since it deals with hisyvouth. But in the 1950s, when this volume ends, Almamy's life was to take a dramatic new turn. Having moved to Mopti to teach, he would meet Amadou Hampâté Bâ, who would subsequently take him to Abidjan and eventuallv obtain for him a post in the Institut des Sciences Humaines in Bamako, where 1 and many other researchers would later meet and work with him. It will be interesting to see what Almarny has to say about his relationship with Hampâté Bâ in the second volume of his autobiography (or what Salvaing decides to put into print !); suffice it to say, here, that this relationship was deeply fraught with ambivalence.
The relevance of this fact to the present volume is the extent to which Almamy's lifé story might be read, as Salvaing suggests (p. 409), as a kind of riposte to Hampâté Bâ's widely known popularization of his teacher, Cerno Bokar Saalif Taal. Like Hampâté Bâ, Almamy places his own teacher, Alfa Amadou Gidaado, at the centre of his life story. However, a careful comparison of the two autobiographies, and of how the authors represent their teachers, can be a very instructive exercise. For example, both Cerno Bokar and Hampâté Bâ were convinced Sufis. By contrast, neither Alfa Amadou nor Almamy were Sufis; although Almamy took the wird of both the Qadiri and Tijani orders, he did not persist with either. Almamy was able to pursue a classical itinerary of Islamic religious studies only in the face of considerable difficulty and opposition, in part because he was not from a scholarly lineage. Hampâté Bâ never received such an education, but was a product of the French-language schools of Soudan. Almamy was protected from the allegedly anti-Islamic influences of French schooling by an amulet, fabricated by Alfa Amadou, that rendered him mute in the classroom. Cerno Bokar convinced Hampâté Bâ's mother to allow him to continue in the French school, because that is what God had ordained for him. Alfa Amadou's and Almamy's lives were filled with interactions with the jinn, and replete with numerous miracles ; no such references are ever found in Hampâté Bâ's accounts of Cerno Bokar.
The interest in these contrasts lies in the fact that these persons were contemporaries living in the Fulfulde-speaking cultural zone of the Niger inland delta. Alfa Amadou and Cerno Bokar both experienced the European conquest and lived during the early decades of colonialism. Almamy and Hampâté Bâ were born in the early colonial period and lived several decades into the independence period. And yet, their life stories and their varying engagements with Islam took quite varied paths. On the other hand, we find fascinating parallels and common themes in their lives, particularly in the fact that all of them expressed and lived a kind of religious tolerance that is not often attributed
to Muslims. Alfa Amadou's views on tolerance are presented at the end of the book, and they make a striking contrast to his defiance of the Europeans at the time of the French conquest of Jenne, presented at the beginning of the book.These kinds of contrasts and even contradictions are what make life stories such lively and animated documents. This review has focused primarily on some of the Islamic themes that run through the book. However, Almamy offers readers much more than that; it is an engaging text that offers considerable insight into the complexities of society and politics in the Niger inland delta during the colonial period, as well as into the richness of the everyday lives of the inhabitants of the region.
School of Oriental and African Studies,
University of LondonLOUIS BRENNER
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